Alexandre Delay, Quelque chose de rouge avait glissé sur la table
arrêt sur l’image galerie
7 – 28 janvier 2023
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“le même saisissement que devant un puzzle ou comme une phrase dans une langue étrangère”
Michael Palmer, Deck 1
[Par quel bout vais-je le prendre ? écrire comme tu construis tes Tableaux à rallonges ?]
Dans tes Notes de travail de novembre 2009 tu écrivais :
— Faire des tableaux avec des détails de tableaux comme sujet. Détails de peinture, détails de photographies… de choses déjà faites. Penser à Malcolm Morley — En 1999, Morley a déclaré qu’il allait repeindre toute sa peinture. — et à La couleur de l’herbe (polyptyque qui met en jeu un contact 6×6 peint il y a plusieurs années).
Hier
sur les contacts 6×6 découpés, tu recouvres de blanc le “décor” de l’atelier dans lequel le modèle (la femme nue) a été photographié.
Parfois la découpe contourne la forme du corps, à petite distance, ménageant une marge ; elle suit en revanche toujours exactement le bord du cadre lorsqu’il coupe la figure. Puis le blanc vient, après montage sur des petits cartons gris, remplir l’espace entre les figures.
(Quand tu agrandissais – au carreau – ces montages pour en faire des tableaux ta peinture reprenait exactement la ligne droite de découpe du cadrage, du bord du cliché photographique)
Parfois c’est la surface entière du cliché qui est recouverte autour de la figure seule. Parfois le bord est déchiré
Pour l’exposition au Musée de l’Élysée à Lausanne, tu as sorti de leur boîte les petits montages préparatoires à tes tableaux.
Plus tard tu les as scannés, agrandis, re-montés, fait imprimer en bichromie sur des panneaux de contreplaqué. À nouveau tu as passé du blanc autour des figures — non, pas passé du blanc : modelé conviendrait mieux si on pouvait l’employer en peinture pour l’extérieur du corps — grand soin dans le geste d’approche de la figure, la lisière
Parfois tu as photographié les tableaux dans l’atelier. L’espace entre les tableaux traité comme l’espace entre les figures dans les tableaux.
Nous pensons que la typographie est noire et blanche, mais la typographie est vraiment blanche, elle n’est même pas noire, c’est l’espace entre les caractères qui crée le noir. Massimo Vignelli 2
Tu dis
C’est le paysage qui dessine la figure
le dedans pousse à l’intérieur
le “paysage” retient par l’extérieur
Ici plus d’autre “paysage” que celui du geste du peintre, tendu par l’intention du contour —qualifier ce bord, y réinsistant, presque décalque du geste antérieur, same but different —
Plus tard, tu as repeint (réhaussé, rechampi, repris, retouché) le blanc autour de tes Figures simples. Les figures elles-mêmes réhaussées au glacis.
Tu légendes impression numérique, peinture à l’huile et contreplaqué — et, non pas sur — toute chose égale composant le tableau ; tu dis toute peinture au fond est support / surface
Tu as désencadré des tableaux du musée de Libourne. Ainsi à traitement égal, juxtaposés aux tiens 3.
Tu as photographié des détails de tes tableaux au téléobjectif.
Table (de montage) à rallonges — des tableaux comme des listes : affranchies de la grammaire, aussi ici du sens de lecture précontraint (par l’habitude, le fer à gauche ou le centrage de la liste en écriture)
Liste d’indices comme dans ce poème-polar que (dans une autre série) tu a pris pour titre :
Ligature
Nudité
Blessure à la tête
Chatterton / baîllon — « Cave ? »
Chouette — qui regarde ?
pour titre et élément du tableau ; la typographie (News Gothic Condensed) traitée à l’égal de la figure — jeu peinture blanche / peinture imprimée ; peinture blanche / typo imprimée
Comme pour une table, un panneau (plateau) central — une fois il est blanc (Le grand carré)
De part et d’autre, les “à-côtés” : bouts d’anciens tableaux : fragments de figures, de palettes, de détails de Manet (tu dis c’est très vite abstrait),— réemploi, recyclage — délaissés, reliefs — chutes d’anciens tableaux (revenus abîmés de la Réserve ou grignotés par un rat) découpés par Tim à la tronçonneuse, “n’importe comment” — un bout de Manet qui sert de palette — parfois tu déroges au principe du rectangle — les “à-côtés” des débords, débordements du tableau, lignes de fuite (Je n’ai aucune envie de mettre mon âme à nu) —
Tu reprends, tu rebats les cartes, inlassablement —
Tu dis Continuer d’apprendre quelque chose du tableau
Juliette Valéry, décembre 2022
Notes :
1 – cité par Emmanuel Hocquard in Hier je n’ai pris aucune photographie, livre-catalogue de l’exposition d’Alexandre Delay, Musée de l’Élysée, Lausanne, 1991
2 – in Helvetica, film documentaire de Gary Hustwit, 2012
3 – installation POLAR, FRAC Aquitaine / MÉCA, juin 2019.
